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Publication des témoignages reçus :

Reçu le 03/03/2005 : A tous ceux qui ont vu leur demande auprés des assurances rejetée, sous le prétexte qu'ils avaient déclaré que les fissures étaient postérieures à la période concernée par l'arrêté, ne vous laissez pas faire ! J'ai été dans ce cas et le contre argumentaire que je leur ai fait en réponse a été acceuilli cette fois favorablement. Je reste à votre disposition pour en reparler, ou vous aiguiller sur un modèle de lettre.
Bon courage.
Stéphane Tillard
05 56 20 62 71

 

Reçu le 01/06/2005 Carine Kumps, Présidente BOIRY NOTRE DAME ACTIONS CANICULE 2003 - 62156 BOIRY NOTRE DAME

Je m’appelle Carine, j’ai 32 ans, j’habite un petit village du Pas de Calais de 450 âmes où il fait bon vivre. Nous habitons une fermette depuis 1996. Mon mari passe tout son temps à la rénover.
Il y a quelque temps Jeanne est venue rejoindre son grand frère Eloi... une petite vie paisible dans notre fermette aux volets bleus. La porte est toujours ouverte et la maison ne désemplit pas d’enfants, d’amis et des membres de la famille.

En août 2003, alors que j’attendais Jeanne, un gros fracas m’a réveillé la nuit (enfin réveillé c’est beau dire quand vous êtes enceinte de 5 mois en pleine canicule). J’ai fait le tour de la maison... rien... mon mari dormait... Eloi aussi... « Bah ! » Je me suis dit. « Inquiétude de maman... » j’ai rejoint Morphée.
Au petit matin, c’est là que j’ai vu cette grosse fissure sur la façade de la maison : la maison s’était affaissée de 5 cm.
Au fil des jours cela s’aggrave : le sol de la cuisine est en pente, la porte du frigo a du mal à rester fermée, le toit a pris une drôle de forme (et s’il s’écroulait ?)... la maison est cassée.
Il faut partir...
Partir où ?...
Comment ?...
Toutes les économies sont parties dans cette maison. Cette maison qu’on voulait agrandir, on avait fait un prêt justement pour d’autres travaux.
On va se retrouver dehors avec nos deux enfants.
C’est dingue.
Nous travaillons tous les deux, nous sommes un "ménage moyen" et on va se retrouver à la rue, il faut rembourser une maison qu’on ne peut plus habiter. L’enfer !

D’autres habitations du village sont touchées, l’église craque elle aussi comme si Dieu voulait nous accompagner dans notre chemin de croix.

Le Maire demande la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle en septembre 2003.

On attend...
On nous dit... « C’est long »
Les dégâts s’aggravent, l’église commence à pencher...
L’inquiétude monte ...
Le temps est long autant que les nuits blanches.

Le 24 juin 2004, le couperet tombe : Boiry Notre Dame n’est pas reconnu en catastrophe naturelle. On ne pourra pas bénéficier de l’indemnisation de nos assurances.
« Quoi ?... Mais pourquoi ?... Personne n’est venu voir... Il suffisait de venir voir pour dire "ben oui, y’a un gros problème ici" : toutes les maisons touchées datent de l’après première guerre et toutes sont situées sur une même zone.
Il suffisait de voir...Alors pourquoi ? »

Réponse de là haut : « ...l’été 2003 n’a pas été un été exceptionnel ! ... »

Alors là, on s’est tous regardé et on s’est demandé s’ils ne nous prenaient pas pour des imbéciles !
Toutes ces morts prématurées : toutes ces personnes âgées décédées à cause de la canicule, toute cette médiatisation et Monsieur Raffarin qui nous "emprunte" notre lundi de Pentecôte pour la solidarité !
La réponse est facile : c’est une catastrophe nationale : 6800 communes touchées et combien de familles ?
1300 communes ont pu bénéficier de l’état de catastrophe naturelle, 5500 communes refusées.
Combien de famille vont être expulsées ou tout simplement vont quitter d’eux même leur maison trop dangereuse car personne n’aura osé les mettre dehors, tout ceci dans l’indifférence totale !
Et cette maison, il faudra continuer à la payer... comment s’en sortir ?

Je voyais mon mari continuer à retaper cette maison, faire des projets. J’avais l’impression de vivre avec un fou, se donnant corps et âme pour l’agrandissement. Il refusait de voir qu’il fallait arrêter.
Vous savez, c’est comme un massage cardiaque : vous avez devant vous une personne inanimée et vous ne voulez pas qu’elle parte. Alors vous pompez, pompez, pompez, même si quelqu’un vous dit « Mais, arrête ! », vous continuez, vous refusez de voir la mort, la fin - et vous pompez encore et encore....

J’ai l’impression de vivre dans un monde endormi, les gens voient leur maison se fissurer, pencher et ils la regardent, impuissants... ils subissent, résignés, ce qui se passe.

A Boiry Notre Dame, nous avons créé une association de défense des intérêts en parallèle aux actions de la commune qui entamait le recours gracieux.
Il fallait motiver les gens. À longueur de journée, j’entendais des "À quoi bon ? ....on aura rien...tout ça pour quoi ?... on paie des assurances pour rien... c’est des salauds (et j’en passe) !".
On m’a mis présidente de l’association ; sûrement car je parle beaucoup (rire).

A la révolution, ce sont les femmes qui ont crié famine devant le roi.... Alors, Go, on y va !

Et on a commencé à expliquer ce qui nous arrivait, à contacter les élus, les médias.

Nous avons occupé symboliquement notre église, une nuit, avant qu’elle ne ferme car si un jour nous devons quitter notre foyer, si nous sommes sans abris, nous n’aurons même pas l’église où nous réfugier.
Les médias sont venus. On a enfin parlé de nous et fait réagir les gens.
Un énorme élan de solidarité s’est levé sur notre petit village et bien au-delà même.

Et là-haut ?

Ben j’ai appris quelque chose :

Quand on crie « au secours ! » en bas ; tout d’abord là-haut, on ne répond pas.
Puis, on tente d’envoyer un courrier, le courrier type qui dit « on va réétudier votre dossier », "ça va les calmer" on se dit ; "ils vont attendre, ils vont se rendormir".
Ben tiens !...
Et la maison continue de craquer, parce qu’elle parle, elle aussi ! (Maison c’est féminin non ?).
Alors, il suffit qu’un village gaulois se rebelle, montre au reste de la Gaule que ce n’est pas comme ça qu’on va régler le problème.... Alors là, ça commence à bouillonner chez les Romains :
« C’est qui, qui crie ? ».... « Une femme de Boiry.... Oh, une hystérique ! » (parce que quand c’est une femme qui parle fort, c’est une hystérique)
Heureusement qu’il y a les élus locaux, nos conseillers généraux, nos députés qui eux sont sur le terrain... et qui crient fort (enfin ce qu’ils peuvent)... Alors, on se dit « On va les aider.... Ensemble, on crie plus fort ! »
Là haut, ils mettent des boules Quiès ; ils en ont marre d’entendre ou ils ont peur d’entendre.
Je me dis, puisque c’est comme ça, je vais les appeler directement parce que naïve comme je suis (si, si), je pense que l’on ne leur a rien raconté, alors, ils vont rétorquer le fameux "je ne savais pas moi, ça, je ne suis pas au courant !! ".
C’est IMPOSSIBLE de joindre un monsieur de là-haut (car c’est à 90% des messieurs), ils ont trouvé le truc : ils mettent des femmes au téléphone, et une femme c’est efficace : ça ne laisse rien passer !

"Alors, on va utiliser les médias !!"
« Bon Dieu ! Elle crie fort quand même la dame, elle va nous réveiller toute la Gaule, celle-là ! »
Panique à bord.
« Laissons passer... ça va se calmer ».

Retour au village Gaulois :
Le quotidien dans les maisons qui craquent, le chef du village qui a peur que son église tombe, parce que c’est lui qu’on amènera aux lions s’il arrive quelque chose.

Et les enfants dans tout ça ?
Ils dessinent des maisons avec de jolis traits sur les murs : « ben, c’est des fissures maman ! »

Et s’ils ne croient pas les Grands, ils croiront peut-être les enfants ?
Marianne ne va quand même pas leur tourner le dos, c’est une femme quand même !

C’est son copain à Marianne, le Sous-préfet, qui reçoit nos chérubins. On leur dit que c’est un copain du Président de la République et que c’est lui qui va lui remettre leurs dessins.
Et voilà mon p’tit mec de 6 ans qui demande au "Monsieur dans le grand bureau" : « Tu vas venir quand la réparer ma maison ? C’est le soleil qui l’a cassé, faut la réparer...je veux rester à Boiry, moi, hein ?!! »
Il fera ce qu’il peut ; il l’a dit à un enfant.

Ce soir, on va dormir dans un lit plat : mon mari a mis des cales de 5 cm aux pieds. Qu’est ce que c’est bon de ne plus jouer au toboggan toute la nuit !

Jeanne, elle a trouvé un nouveau jeu : elle lève les pieds et elle dévale toute la cuisine avec son trotteur.

La vie continue, les rires restent même si l’angoisse est omniprésente.

Entre sinistrés, on se remonte le moral chacun notre tour.

On attend...

On espère, et c’est grâce à cet espoir qu’ensemble nous nous battons pour que l’Etat daigne, enfin, nous accorder légitimement la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour notre petit village gaulois.
Alors, notre petite vie paisible pourra reprendre son cours à Boiry Notre Dame dans notre jolie fermette aux volets bleus.

Carine Kumps


 

 

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